Ces dernières années ont vu éclore un nombre toujours grandissant de polémiques sur le comportement hors scène de nos artistes, que ce soit sur la scène du rap francophone ou bien de l’autre côté de l’Atlantique. Si parfois les décisions de la Justice se font (trop) longuement attendre, celles des réseaux sociaux prennent généralement bien moins de temps à se faire connaître. Tribunal numérique direz-vous ? L’émergence d’espaces virtuels, comme celui de Twitter tout particulièrement, a permis à tout un chacun d’exprimer ses opinions, bonnes et moins bonnes, parfois de manière très virulente. Les frasques de nos rappeurs ne sont évidemment pas épargnées par ce phénomène, et il n’est pas rare de voir le peuple sortir les crocs en lançant un appel général au boycott de ces artistes. On parle ici de ne plus streamer, de ne plus acheter les albums, les places de concerts, d’annuler des dates de festivals en faisant pression sur les organisations en charge, … Bref, en coupant les présumés ponts financiers de l’artiste « dans la sauce ».
QUE POUVONS NOUS EN PENSER ?
Une question se pose alors : faut-il dissocier l’artiste de l’humain ? Ou plus précisément devrions nous séparer la production artistique, et par conséquent l’apprécier en tant que tel, de la personne, forgée de ses actes, qui la produit ? Ce débat s’est notamment illustré en 2019 lors de la sortie en salle du film « J’accuse » de Roman Polanski, réalisateur franco-polonais, condamné pour rapports sexuels avec une mineur aux Etats-Unis mais depuis exilé en France. A l’époque, la diffusion de cette œuvre dans les salles obscures avait déchaîné les foules. En effet, si toute une partie de la population criait à l’injustice, clamant que le film n’aurait jamais dû être ni produit ni diffusé, l’autre affirmait haut et fort qu’il était nécessaire de laisser faire. Leur argument primaire, « Il faut dissocier la personne de l’artiste ».
Dans un monde ayant connu ces dernières années l’avènement de plusieurs mouvements sociaux de dénonciation tels que MeToo (BalanceTonPorc en francophonie), Black Lives Matters ou encore le mouvement LGBT, les actes ou paroles allant à l’encontre des valeurs véhiculées par ces mouvements sont aujourd’hui plus commentés et réprimandés que jamais. On constate pourtant malgré tout que si les chiffres ont tendance à baisser, une bonne partie du public continue d’écouter les dernières sorties d’artistes jugés problématiques. Pire, ces mêmes artistes continuent bien souvent d’être invités par les différents médias rap mainstream. Faut-il donc questionner les motivations des auditeurs ou alors des plateformes qui font la promo de personnalités aux mœurs parfois plus que moyen ? La musique est-elle plus forte que tout, au point même d’invisibiliser les délits et crimes commis par certaines de ses figures principales ? Faut-il vraiment dissocier l’artiste de l’humain ?